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Sylviane Agacinski sur le procès de Mazan : « Repenser une virilité civilisée et décente, capable de maîtrise de soi »

Le procès des viols immondes commis à Mazan (Vaucluse), crimes conçus, organisés et filmés par Dominique Pelicot, s’est transformé depuis quelques jours en un « grand procès fait à la masculinité ». Il n’est pas question ici de minimiser l’ampleur des violences sexuelles presque toujours commises par des hommes, que leurs victimes soient féminines ou masculines. Dans ce contexte, et depuis le mouvement #metoo, la voix des hommes est importante : elle compte, et il est souhaitable qu’elle se joigne à l’indignation commune devant les violences sexuelles, en particulier les viols.
Intenté tantôt par des hommes féministes, animés des meilleures intentions, tantôt par des théoriciennes de la « domination » et du « patriarcat », le procès fait à la masculinité se trompe pourtant de cible. On soutient par exemple que le principal accusé des crimes de Mazan et les autres représentent la « société française en miniature », une société encore installée dans le patriarcat et la culture du viol.
Pourtant, le patriarcat est fondé avant tout sur une institution familiale désormais révolue, dans laquelle le père avait tout pouvoir sur sa femme et ses enfants. Quant à la culture du viol, la formule est ambiguë dans un pays où, depuis un demi-siècle, cet acte constitue un crime passible de peines sévères, grâce au courage de Gisèle Halimi.
On dit à juste titre que « la honte doit changer de camp », autrement dit que la honte qui frappait la victime doit retomber exclusivement sur le violeur : c’est bien la moindre des choses. Mais certains soutiennent que les hommes « en général » se sentent solidaires des violeurs et qu’ils devraient « avoir honte de leur genre ».
Cette lecture d’un événement médusant conduit à placer face-à-face, comme deux armées en guerre, d’un côté le « camp » des femmes, et de l’autre celui des hommes, suspects d’appartenir à la tribu masculine des violeurs potentiels, par conséquent invités à faire publiquement leur mea culpa.
Mais les crimes de Mazan auraient-ils pu réellement avoir été commis par « n’importe quel homme » ? On en doute.
En l’espèce, incriminer la « masculinité », c’est noyer le poisson d’une violence sexuelle sans nom dans les eaux troubles des rapports sexuels non consentis, parfois difficiles à prouver, comme le viol intraconjugal.
Le principal accusé du procès en cours cherche d’ailleurs à réduire sa responsabilité lorsqu’il déclare que, parfois, sa femme « cédait » à ses assauts sans jamais se plaindre… Entendons qu’elle aurait tacitement consenti à sa soumission. De façon contradictoire, il reconnaît pourtant que celle-ci refusait absolument de se soumettre à des rapports sexuels avec des tiers, et c’est pour lui imposer ces pratiques qu’il l’a droguée et livrée à d’autres hommes.
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